L'histoire des vielles de Jenzat est liée à celle de la famille Pajot. En 1743, Gilbert Pajot, procureur au baillage de Saint-Pourçain, épouse Marie Roux et devient en 1745, notaire de la seigneurie de Jenzat. La vielle connaît à cette époque les faveurs de la bonne société. Marie-Louise Taitbout, épouse de Guillaume Dujouhannel, seigneur de Jenzat, est née à Paris où sa famille pratique la guitare et la vielle à roue. La reine Marie Leczinscka en joue presque tous les soirs comme en témoigne les Mémoires du duc de Luynes. Le curé Pierre Roux, neveu de Marie Roux, est né en 1752 à Jenzat. Sans être le premier luthier, il est probablement l'un des premiers joueurs de vielle de Jenzat. Il traverse les périodes agitées de la Révolution et de la Terreur et laisse à son décès, deux vielles à ses héritiers [Chassaing-1996]. D'après la tradition, son instrument marqué Charotte 1763, collection Maison du luthier, sert de modèle au premier facteur de Jenzat. Le petit fils du notaire seigneurial, Jean Pajot, propriétaire, commence à faire des vielles dès 1795, son fils Gilbert (1794-1853) est le premier à déclarer la profession de luthier dans l'état-civil. La famille Pajot ne donne pas moins de neuf facteurs, de 1764 à nos jours. Elle a aussi pour mission de former des apprentis qui créent ensuite leurs propres ateliers : Pimpard Cousin et fils, Gilbert Nigout et Pierre Tixier. Des relations d'apprentissage existent avec Paris, Lyon et Mirecourt où se rendent Jean-Baptiste Pajot, Gilbert Nigout, Jean-Baptiste Cailhe, Claude Pimpard. Les Luthiers présentent leur travail aux expositions universelles de Paris en 1855 pour Pajot-Fils et en 1867 pour Pajot, Nigout, Decante et Cailhe, aux expositions de Blois, Chateauroux, Montluçon, Gannat, Vichy. Depuis deux siècles, vingt-cinq familles exercent cette activité instrumentale qui connaît actuellement un renouveau. L'activité de lutherie débute au XVIII° s., puis Jean-Baptiste Pajot, le plus célèbre, part en apprentissage à Mirecourt sous Louis-Philippe. La production prend son essor économique au Second Empire. Des milliers de vielles sortent des différents ateliers. Chaque instrument est fait par un seul luthier qui sculpte, décore et vernit. La renommée de cette lutherie est internationale. Depuis une centaine d'années, les musées et collections de musique du monde, présentent ces instruments à leurs visiteurs. Les deux formes de vielles en luth et en guitare sont fabriquées par Pimpard, Cailhe-Decante et Nigout, tandis que les autres luthiers de Jenzat se consacrent uniquement aux vielles en luth. Les luthiers s'inspirent des modèles signés Louvet, Lambert ou Varquain à Paris, Charotte à Mirecourt. Ils reprennent le clavier à deux octaves chromatiques [Chassaing-1997], l'idée des cordes sympathiques ainsi que les filets et pistagnes. Ils ajoutent leurs propres motifs de vagues et rosaces peintes et leurs marqueteries. La lutherie de Jenzat présente une diversité des formes, des diapasons, des décors et des sculptures. On trouve des tables d'harmonie en sapin, en épicéa ou en érable, des vielles à simple ou à double jeu. L'évolution technique de chaque facteur se découvre au niveau des barrages, des âmes et des proportions. L'analyse des ventes de vielles révèle que la fonction première de l'instrument est musicale. C'est l'instrument des rituels et du bal populaire villageois. Le travail du luthier ne s'inscrit pas dans une perspective régionaliste. Pajot-Jeune, par exemple, expédie des vielles aussi bien en Tunisie qu'au Brésil, il est en relation commerciale avec Paris et Mirecourt, avec les fabricants de Markneukirchen en Saxe. Le répertoire du luthier Pajot-fils a été collecté et publié par Julien Tiersot (1931).
Les luthiers de Jenzat par Jean-François Chassaing
Bibliographie -Jean-François CHASSAING, La vielle et les luthiers de Jenzat, diff. Amta, Riom, 1987, 144 p. -Jean-François CHASSAING, "La relation luthier-musicien", Modal : Vielle à roue, territoires illimités, 1996, pp.104-113. -Jean-François CHASSAING, "A propos de quelques règles à clavier de vielles à roue", Musique-Images-Instruments, Paris, CNRS, n° 3, 1997, pp.178-185. -Julien TIERSOT, La chanson populaire et les écrivains romantiques, Plon, Paris, 1931, 326 p. | |
Devant la maison du luthier le 14 août Cliché ©AVJ- crmt |